Nous sommes des étoiles filantes
Actualité d'artiste
Communiqué
A première vue, les dessins de Guy Oberson se donnent à voir dans un brouillage informe qui n’en rend pas toujours évidente la lecture. Il y va d’une épiphanie comme il en est d’une image qui lentement apparaît à la lumière rouge de la chambre noire en surface d’un papier photographique trempé dans un bac de révélateur. Petit à petit, l’image gagne en densité, puis en valeur, enfin se précise pour prendre finalement forme. Comme si le motif ne se délivrait au regard qu’à la condition qu’on lui accorde le temps nécessaire à sa définition. En quelque sorte, les dessins d’Oberson exigent qu’on les appréhende de l’intérieur, dans le dedans de leur matière afin d’en embrasser l’espace. Aussi le regard qui s’y porte doit s’y consacrer pleinement, en durée, aux risques sinon de ne pas vivre ce qui est à voir. Il convient ici de dépasser la surface des choses, d’aller de l’autre côté de l’image pour mesurer au plus juste ce qu’il en est de sa réalité. Le réel n’est pas affaire de ressemblance, ni de mimétisme, encore moins de représentation, il est de l’ordre d’une présence. D’un étant-là qui signe un être-au-monde. En art, le réel relève non de la mimesis mais de la methexis pour ce que celle-ci contribue au désir d’attraper la vérité de la chose en réformant la différence entre le fond et la forme. Au point même que le fond vient se fondre dans la forme. Ainsi c’est des profondeurs d’un abîme insondable qu’émergent les figures de Guy Oberson. Qu’il se saisisse d’une photographie de Toni Morrison, qu’il en fasse tout un travail de dessin de mémoire, l’image qu’il en déduit procède d’une présence enfouie. Ce n’est pas la copie de son portrait, c’est sa comparution. A l’œuvre même et à notre regard. – Philippe Piguet, critique d’art et commissaire d’exposition indépendant