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La mutinerie de Fontevraud

Actualité d'artiste

Vue de l'exposition de Nicolas Daubanes à l'Abbaye Royale de Fontevraud

Du 17 juin au 17 septembre 2023

Abbaye Royale de Fontevraud

Abbaye Royale de Fontevraud — 49590 Fontevraud l'Abbaye

+33 (0)2 41 51 73 52

Communiqué

Entre les murs de l’Abbaye de Fontevraud, où se sont déroulées 150 années d’histoire carcérale, je propose de faire émerger la vision fantasmatique de ce qu’aurait pu être la prison au moment d’une mutinerie. Cette vision s’inspire des images du démantèlement de l’usage carcéral de l’Abbaye ordonné par les architectes patrimoniaux, puisqu’elles procèdent du même élan.

On imagine les murs trembler, s’effondrer, être désarmés par les mutins, qui ne les laisseront plus jamais enfermer qui que ce soit. On voit les espaces brûler – les cuisines, la grande nef, toutes percées de flammes, envahies de fumée ; le chaos s’abattant sur Fontevraud comme la tempête sur le navire en feu.

Je dépeins ces scènes avec la matière même de l’évasion : de la limaille de fer retenue contre le papier par la force de l’aimantation. Dessiner avec cette poudre de fer, qui pourrait être produite par le détenu limant soigneusement les barreaux de sa cellule, permet de représenter directement la matière de la prison s’égrenant, s’écroulant. A la manipulation, cette poudre de fer produit naturellement des coulures qui évoquent immédiatement des traînées de fumée – comme si la matière dictait d’elle-même le récit de l’évasion, de la mutinerie, en le plaçant sous le signe de l’incendie. Dès lors, l’Abbaye assaillie de l’intérieur se délite, prend feu, comme la surface des verres sur lesquels j’effectue une gravure en projetant des étincelles d’acier incandescent pour dessiner des flammes qui, à l’oxydation, se colorent de tons orangés et dorés.

Ce projet de mutinerie, des moines l’ont réellement imaginé : en 1622, deux d’entre eux mettent le feu à plusieurs endroits de la forêt qui ceinture l’Abbaye. L’un des coupables, Jacques Dantui, finit par se dénoncer : il est défroqué, mis au fer, mais finit par s’évader.

Au croisement de l’anecdote historique et de l’imaginaire dicté par la matière de mes dessins, il m’intéresse de mêler la rigueur de la documentation et l’élan du fantasme, voire du fantasmagorique, en incorporant aux dessins des personnages disproportionnés, des anachronismes, des inspirations mythiques puisées dans l’esthétique des Tours de Babel, ou des découpes pratiquées dans des gravures de Francisco de Goya et de Piranèse.

Incorporer les traits et les intentions des séries des Prisons Imaginaires de Piranèse et des Désastres de la guerre de Francisco de Goya à cette nouvelle série que l’on peut désormais nommer « La Mutinerie de Fontevraud », c’est lui confier la charge de porter cet évènement imaginaire, mais tant imaginé, avec la même intensité que ces gravures magistrales peuvent encore aujourd’hui susciter.”